Zoom sur l’articulation des normes jusqu’en 2008

En droit général, chaque norme doit respecter les normes de niveaux supérieurs qu’elle vient uniquement préciser, et en cas de conflit entre les normes de niveaux différents, la norme supérieure prévaudra.

En droit du travail, l’articulation des normes est régie par le principe de faveur, c’est-à-dire qu’une norme de niveau inférieur peut déroger à une norme de niveau supérieur, dès lors qu’elle prévoit une disposition plus favorable pour les salariés. Ainsi, en cas de conflit entre, par exemple, une loi et un accord collectif ou deux accords collectifs de niveau différent, le principe ayant vocation à s’appliquer est celui édicté par la norme la plus favorable pour les salariés et non celui résultant de la norme supérieure.

Le principe de faveur régit ainsi les rapports, d’une part, entre la loi et les différentes normes conventionnelles et, d’autre part, entre les différentes normes conventionnelles. Le principe de faveur qui gouverne chacun de ces rapports est toutefois nuancé par l’existence d’exceptions.

La hiérarchie des normes entre la loi et les accords collectifs

La loi, entendue au sens large, et comprenant donc les lois et les règlements, est une règle minimale que les parties au contrat de travail ou à l’accord collectif se doivent de respecter mais avec la possibilité de la modifier dans un sens plus favorable au salarié. En droit du travail, la loi est donc par principe d’ordre public social ou ordre public relatif.

Toutefois, ce principe connait deux exceptions :

  • l’ordre public absolu : il n’est pas possible de déroger aux dispositions légales d’ordre public absolu, et cela même dans un sens plus favorable aux salariés. Cela concerne notamment des dispositions touchant à l’intérêt général ou aux droits fondamentaux de l’Homme et de ses libertés individuelles et collectives. La difficulté avec les lois d’ordre public absolu, c’est qu’elles ne sont pas toujours clairement identifiées comme telles. Il est alors nécessaire que le juge vienne préciser que telle ou telle règle ne peut faire l’objet d’aucune négociation ;
  • l’ordre public dérogatoire : les lois relevant de l’ordre public dérogatoire autorisent expressément les partenaires sociaux à diminuer, dans une mesure qu’elles définissent, les droits reconnus aux salariés. Ce principe a été introduit par la loi n° 82-957 du 13 novembre 1982 relative à la négociation collective et au règlement des conflits collectifs de travail, dite 3ème loi Auroux.

La hiérarchie des normes entre les accords collectifs de niveaux différents

La hiérarchie des normes qui existe entre les conventions et accords collectifs de niveaux différents s’est complexifiée au fil des réformes qui ont été adoptées depuis la première grande réforme de l’articulation des normes, intervenue avec la loi du 20 mai 2004.

Avant 2004, la hiérarchie entre les différentes normes conventionnelles était régie par le principe de faveur. Comme précisé précédemment, un accord collectif de niveau inférieur peut déroger à un accord de niveau supérieur, dès lors qu’il prévoit une disposition plus favorable pour les salariés.

A compter de 2004, les exceptions aux principes de hiérarchie des normes et de faveur se sont progressivement multipliées. L’articulation des normes en droit du travail, au fil des différentes réformes, est ainsi devenue particulièrement complexe. Nous verrons ainsi l’évolution de cette articulation au travers des trois réformes majeures que sont la loi du 4 mai 2004, la loi du 20 aout 2008 et la loi du 8 aout 2016.

La loi du 4 mai 2004 : Les premières limitations à l’application du principe de faveur

La loi n° 2004-391 du 4 mai 2004, relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social, autorise pour la première fois des accords collectifs à déroger aux accords couvrant un champ professionnel ou territorial plus large. Autrement dit, ces accords peuvent désormais comporter des dispositions moins favorables que les dispositions des accords de niveaux supérieurs.

Toutefois, cette faculté de déroger « in pejus », autrement dit de manière moins favorable, est assortie de trois exceptions. En effet, il est interdit de prévoir des dispositions moins favorables que l’accord de niveau supérieur :

  • en matière de salaires minima, classifications, garanties collectives en matière de protection sociale complémentaire et mutualisation des fonds recueillis au titre de la formation professionnelle (cf. article L132-3 alinéa 1 ancien, devenu article L2253-3 alinéa 1 du code du travail) ;
  • lorsque la convention ou l’accord couvrant un champ territorial ou professionnel plus large interdit expressément les dérogations à tout ou partie de ses dispositions (cf. article L132-3 alinéa 2 ancien, devenu article L2253-3 alinéa 2 du code du travail) ;
  • lorsque l’accord couvrant un champ territorial ou professionnel plus large est conclu avant l’entrée en vigueur de la loi du 4 mai 2004 (cf. article 45 de la loi n° 2004-391 du 4 mai 2004).

En pratique, la majorité des conventions collectives de branche ont été signées avant l’entrée en vigueur de la loi du 4 mai 2004. L’ancienneté de ces conventions n’a donc pas permis aux partenaires sociaux de s’emparer réellement des possibilités de dérogation offertes par cette loi. Ainsi, jusqu’en 2008, l’application de la disposition la plus favorable est restée la règle de conflit la plus fréquemment utilisée.

Nous vous invitons à suivre notre prochaine publication de la série « Droit du travail » qui concerne l’articulation des normes après 2008.

– 24 octobre 2017 –

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