Zoom sur la réforme du compte professionnel de prévention

L’ordonnance n° 2017-1389 du 22 septembre 2017 révise le compte personnel de prévention de la pénibilité, dit « C3P », qui est rebaptisé « compte professionnel de prévention » ou « C2P ». Pris en application de cette ordonnance, les décrets n° 2017-1768 et n° 2017-1769 du 27 décembre 2017 fixe les dispositions réglementaires de ce C2P.

Plusieurs évolutions sont intervenues concernant la gestion du C2P, la définition des facteurs de risque, l’obligation de négocier sur la pénibilité, la suppression des cotisations patronales ainsi que la détermination du montant de la pénalité en cas de déclaration pénibilité inexacte.

Le reste du dispositif reste inchangé.

Gestion du compte professionnel de prévention

Article L. 4163-14 et article R. 4163-1 du code du travail

La gestion du C2P est désormais confiée aux organismes de la branche accidents du travail et maladies professionnelles :

  • au niveau national, il s’agit de la Caisse nationale de l’assurance maladie ou tout autre organisme délégataire ;
  • au niveau régional, la gestion est confiée aux caisses d’assurance retraite et de la santé au travail ou aux caisses générales de sécurité sociale.

Évolution des facteurs de pénibilité pris en compte

Articles L. 4163-1 et D. 4163-2 du code du travail

L’obligation de déclaration par l’employeur des facteurs de risques professionnels se limite désormais aux risques liés à un environnement physique agressif, à l’exclusion des agents chimiques dangereux, ou à certains rythmes de travail.

Ainsi, sont maintenus dans le dispositif les facteurs de risques liés :

  • au travail de nuit;
  • au travail en équipes successives alternantes ;
  • au travail en milieu hyperbare ;
  • au bruit ;
  • aux températures extrêmes ; et
  • au travail répétitif.

A noter, le décret n°2017-1769 conserve les seuils des six facteurs pénibilité mentionnés ci-dessus par rapport au dispositif du C3P.

En revanche, les facteurs de risques dont l’évaluation était particulièrement complexe ne relèvent plus du champ d’application du C2P et ne font plus l’objet d’une obligation de déclaration par l’employeur. Il s’agit des facteurs de risques liés aux :

  • postures pénibles;
  • manutentions manuelles de charges;
  • vibrations mécaniques; et
  • agents chimiques dangereux.

La prise en compte de l’exposition des salariés à ces facteurs de risques fera désormais l’objet d’un traitement spécifique au sein du dispositif de départ en retraite anticipée pour pénibilité.

Obligation de négocier sur la pénibilité

Champ de l’obligation de négocier sur la pénibilité

Articles L. 4162-1 et D. 4162-1 du code du travail

Les dix facteurs de pénibilité sont maintenus dans le champ des accords en faveur de la prévention de la pénibilité, renommés accords en faveur de la prévention des effets de l’exposition à certains risques professionnels.

Le champ des entreprises visées par l’obligation de négociation en faveur de la prévention de la pénibilité est modifié.

Dans les entreprises d’au moins 50 salariés ou appartenant à un groupe, les employeurs doivent engager les négociations d’un accord en faveur de la prévention des effets de l’exposition aux facteurs de risques professionnels :

  • soit lorsqu’ils emploient une proportion minimale fixée par décret de salariés déclarés exposés

NB – Le décret n°2017-1769 fixe ce seuil à 25% à compter du 1er janvier 2019 (contre 50% actuellement). Il faut toutefois savoir que le décret n°2014-1160 du 9 octobre 2014 abaisse déjà le seuil à 25% dès le 1er janvier 2018.

  • soit lorsque leur sinistralité au titre des accidents du travail et des maladies professionnelles est supérieure à un seuil déterminé par décret.

NB – Le décret n°2017-1769 fixe l’indice de sinistralité à 25%.

Contenu des accords pénibilité

Articles L. 4162-1 et D. 4162-3 du code du travail

Pour rappel, le décret n°2014-1160 du 9 octobre 2014, qui est entré en vigueur au 1er janvier 2018, a commencé à étendre les sujets traités dans l’accord de prévention.

Le décret n°2017-1769 poursuit cette extension, avec une entrée en vigueur des dispositions prévue au 1er janvier 2019.

Ainsi, l’accord d’entreprise ou de groupe ou à défaut, le plan d’action ou l’accord de branche étendu, traite :

  1. d’au moins deux des thèmes suivants :
    • la réduction des polyexpositions aux facteurs de risques ;
    • l’adaptation et l’aménagement du poste de travail ;
    • la réduction des expositions à des facteurs de risques professionnels [ce dernier sujet est ajouté] ;
  1. en outre, d’au moins deux des thèmes suivants [inchangé] :
    • l’amélioration des conditions de travail, notamment au plan organisationnel ;
    • le développement des compétences et des qualifications ;
    • l’aménagement des fins de carrière ;
    • le maintien en activité des salariés exposés.

Pour les thèmes mentionnés au point 2, le décret n°2017-1769 prévoit que l’accord ou le plan d’action doit préciser les mesures de nature à permettre aux titulaires d’un C2P d’affecter les points qui y sont inscrits aux utilisations suivantes :

  • formation professionnelle ;
  • réduction du temps de travail.

Procédure d’information des entreprises

Articles R. 4162-4 et R. 4162-5 du code du travail

Pour rappel, si, aux termes des négociations de l’accord susmentionné, aucun accord n’est conclu, un procès-verbal de désaccord est établi. L’employeur est alors tenu d’arrêter, au niveau de l’entreprise ou du groupe, un plan d’action relatif à la prévention des effets de l’exposition aux facteurs de risques professionnels.

Selon le décret n° 2017-1768, il appartient désormais aux caisses d’assurance retraite et de la santé au travail compétentes :

  • d’informer l’employeur de son obligation d’engager une négociation d’un accord « pénibilité » ou d’un plan d’action « pénibilité » ;
  • d’informer le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi lorsqu’une entreprise n’est pas couverte par un accord d’entreprise ou de groupe ou à défaut par un plan d’action.

Toutefois, c’est toujours à l’employeur qu’il revient de communiquer à l’inspection du travail l’accord conclu, le plan d’action élaboré ou les modifications apportées à ces documents dans les délais impartis. Sur ce point, les dispositions en vigueur antérieurement au décret n° 2017-1768 restent inchangées.

NB – Comme c’était déjà le cas auparavant, le manquement de l’employeur à ces exigences peut être constaté par l’inspection du travail qui, le cas échéant, peut le mettre en demeure de remédier à cette situation dans un délai de six mois.

Sanctions en cas de manquement à l’obligation d’engager la négociation d’un accord

Articles R. 4162-6 à R. 4162-8 du code du travail

A l’issue du délai imparti par la mise en demeure, c’est au directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi qu’il revient :

  • d’apprécier s’il y a lieu d’appliquer une pénalité à la charge de l’employeur ;
  • d’en fixer le taux au regard de plusieurs critères définis à l’article R. 4162-6 du code du travail ;
  • d’adresser à l’employeur, par tout moyen conférant date certaine, une notification motivée du taux de la pénalité, dans un délai d’un mois à compter de la date d’expiration de la mise en demeure.

Utilisation du compte pour la formation ou un départ anticipé en retraite

Articles L. 351-1-4 et L. 432-12 du code de la sécurité sociale

L’ordonnance n°2017-1389 précise les conditions d’un départ anticipé à la retraite par les salariés exposés lorsque l’incapacité permanente est reconnue au titre d’une maladie professionnelle consécutive à un ou des facteurs de risques liés à des contraintes physiques marquées ou à un environnement physique agressif.

NB – L’arrêté du 26 décembre 2017 fixe la liste des maladies professionnelles concernées.

La réduction du périmètre du C2P sera ainsi compensée par une extension du nombre de bénéficiaires du dispositif de départ en retraite anticipée pour pénibilité mis en place par la loi du 9 novembre 2010. La condition de durée d’exposition de 17 ans issue de cette loi sera supprimée pour les maladies professionnelles liées aux quatre facteurs de risques sortis du périmètre du compte en cas de taux d’incapacité permanente compris entre 10 et 19%.

En outre, au titre de la reconversion professionnelle, la victime atteinte d’une incapacité permanente supérieure ou égale à un taux déterminé par décret peut bénéficier d’un abondement de son compte personnel de formation.

Suppression des cotisations patronales

Article L. 4163-21 du code du travail

Antérieurement, les comptes pénibilité étaient financés par un fonds lui-même alimenté par les cotisations versées par les employeurs (modulables en fonction de l’exposition aux risques de leurs salariés).

L’ordonnance n°2017-1389 réforme ce mode de financement en le confiant à la branche « Accidents du travail et maladies professionnelles » de la Sécurité sociale. Les cotisations employeurs (de base et additionnelle) sont ainsi supprimées.

Détermination du montant de la pénalité en cas de déclaration pénibilité inexacte

Articles L. 4163-16 et R. 4163-33 du code du travail

Pour rappel, en cas de déclaration inexacte, l’employeur peut faire l’objet d’une pénalité prononcée par le directeur de l’organisme gestionnaire, au titre de chaque salarié ou assimilé pour lequel l’inexactitude est constatée.

Le décret n°2017-1768 détermine les modalités de calcul du montant de cette pénalité. Celle-ci est fixée à hauteur de 0,5 % du plafond mensuel de la Sécurité sociale par salarié.

NB – Cette pénalité est exclusive du prononcé de toute autre sanction à raison des mêmes faits par l’organisme de recouvrement.

Références :

– 06 septembre 2018 –

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