Les sanctions pénales
Outre les sanctions administratives (article du 21.09.2018), l’entreprise peut voir sa responsabilité pénale engagée au titre d’une infraction au droit de l’environnement. Or le contentieux pénal de l’environnement reste encore assez méconnu. Les quelques affaires retentissantes semblent, en outre, renforcer l’impression de la majorité des entreprises qu’elles ne risquent rien en la matière sauf à causer une catastrophe environnementale sans précédent.
Dresser un état des lieux des sanctions pénales prévues et effectivement prononcées devrait amener à une conclusion toute différente.
A venir, un troisième zoom sur les condamnations du juge civil en matière environnementale.
Quelles sont les dernières tendances en matière de sanctions pénales ?
Les dernières statistiques disponibles du ministère de la justice révèlent qu’en 2014, 1,8%, puis en 2015 et 2016, 1,7% des affaires enregistrées par les parquets concernent les atteintes à l’environnement.
Par ailleurs, le tableau ci-joint[1] résume les infractions sanctionnées dans les condamnations de 2010 à 2015.
En 2014, 11 % des condamnations pénales impliquant des personnes morales concernent l’environnement. C’est, en effet, un des contentieux où la part des personnes morales impliquées est la plus importante, après celui des infractions économiques et financières (25 %) et celui des infractions à la législation du travail (27 %)[2].
Le ministère de la Justice précise aussi dans sa revue de statistiques de 2015 que la mise en conformité avec la réglementation et la remise en état des lieux sont plus systématiquement privilégiées.
Quelques exemples de sanctions prévues
A titre illustratif :
Est puni d’un an d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende le fait, sans l’autorisation, l’enregistrement, l’agrément, l’homologation ou la certification exigé pour un acte, une activité, une opération, une installation ou un ouvrage (ICPE par exemple), de :
1° Commettre cet acte ou exercer cette activité ;
2° Conduire ou effectuer cette opération ;
3° Exploiter cette installation ou cet ouvrage ;
4° Mettre en place ou participer à la mise en place d’une telle installation ou d’un tel ouvrage.
(cf. article L. 173-1 point I du code de l’environnement)
Lorsqu’ils sont porté gravement atteinte à la santé ou la sécurité des personnes ou provoqué une dégradation substantielle de la faune et de la flore ou de la qualité de l’air, du sol ou de l’eau :
1° Le fait de réaliser un ouvrage, d’exploiter une installation, de réaliser des travaux ou une activité soumise à autorisation, à enregistrement ou à déclaration, sans satisfaire aux prescriptions fixées par l’autorité administrative lors de l’accomplissement de cette formalité, est puni de deux ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende ;
2° Les faits prévus à l’article L. 173-1 et au I de l’article L. 173-2 sont punis de trois ans d’emprisonnement et de 150 000 euros d’amende ;
3° Les faits prévus au II de l’article L. 173-2 sont punis de cinq ans d’emprisonnement et de 300 000 euros d’amende.
(cf. article L. 173-3 du code de l’environnement)
En cas de condamnation d’une personne physique ou morale pour une infraction prévue au code de l’environnement, le tribunal peut :
1° Lorsque l’opération, les travaux, l’activité, l’utilisation d’un ouvrage ou d’une installation à l’origine de l’infraction sont soumis à autorisation, enregistrement, déclaration, homologation ou certification, décider de leur arrêt ou de leur suspension pour une durée qui ne peut excéder un an ;
2° Ordonner, dans un délai qu’il détermine, des mesures destinées à remettre en état les lieux auxquels il a été porté atteinte par les faits incriminés ou à réparer les dommages causés à l’environnement. L’injonction peut être assortie d’une astreinte journalière au plus égale à 3 000 €, pour une durée d’un an au plus.
Le tribunal peut décider que ces mesures seront exécutées d’office aux frais de l’exploitant. Il peut dans ce cas ordonner la consignation par l’exploitant entre les mains d’un comptable public d’une somme répondant du montant des travaux à réaliser.
(cf. article L. 173-5 du code de l’environnement)
Les personnes physiques coupables des infractions prévues par le code de l’environnement encourent également, à titre de peine complémentaire :
1° L’affichage ainsi que la diffusion de la décision prononcée ;
2° La confiscation de la chose qui a servi ou était destinée à commettre l’infraction, ou de la chose qui en est le produit direct ou indirect ;
3° L’immobilisation, pendant une durée qui ne peut excéder un an, du véhicule, du navire, du bateau, de l’embarcation ou de l’aéronef dont le condamné s’est servi pour commettre l’infraction, s’il en est le propriétaire ;
4° L’interdiction d’exercer l’activité professionnelle dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de laquelle l’infraction a été commise, pour une durée qui ne peut excéder cinq ans.
(cf. article L. 173-7 du code de l’environnement)
D’autres exemples de sanctions propres à certains domaines :
- en matière de produits chimiques : est puni de deux ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende le fait : de fournir sciemment des renseignements inexacts susceptibles d’entraîner pour les substances chimiques, des prescriptions moins contraignantes que celles auxquelles ils auraient normalement dû être soumis, ou de dissimuler des renseignements connus ; de fabriquer, importer, détenir en vue de la vente ou la distribution à titre gratuit, mettre en vente, vendre, distribuer à titre gratuit ou utiliser, sans la décision d’autorisation correspondante, une substance, telle quelle ou contenue dans un mélange ou un article, en méconnaissance du règlement REACH, etc. (cf. article L. 521-21 du code de l’environnement) ;
- en matière de déchets : est puni de deux ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende le fait : de refuser de fournir à l’administration les informations utiles sur les modes de gestion des déchets et sur les conséquences de leur mise en œuvre ou fournir des informations inexactes ; d’abandonner, déposer ou faire déposer, dans des conditions contraires à la réglementation, des déchets ; de remettre ou faire remettre des déchets à tout autre que l’exploitant d’une installation agréée, etc. (cf. article L. 541-46 du code de l’environnement).
Quelques exemples de sanctions effectivement prononcées
Un préjugé répandu est donc que les infractions des entreprises, et notamment des TPE PME, au droit de l’environnement ne sont pas réellement sanctionnées. Voici quelques illustrations qui prouvent le contraire :
- Incendie involontaire au niveau d’un broyeur de pneus usagés, exploitation et poursuite d’exploitation non autorisée d’une installation classée (broyage de pneumatiques usagés et entreposage d’équipements automobiles) et déversement de substances nuisibles dans les eaux
Condamnation d’une personne physique à quatre mois d’emprisonnement, 30 000 euros d’amende, une mesure de publication de la décision et à 2 500 euros d’intérêts civils
(Cass. crim., 7 février 2012, n°10-84453)
- Exploitation d’une installation classée sans autorisation et délit de faux
Condamnation d’une personne physique et de la société moderne d’assainissement et de nettoyage, filiale de la société Groupe Y… Environnement, respectivement à 403 amendes de 500 euros chacune avec sursis, 623 amendes de 1200 euros chacune
(Cass. crim., 21 octobre 2014, n°13-85406)
- Exploitation d’une installation classée (traitement et revêtement des métaux) sans autorisation et poursuite de cette exploitation en violation d’un arrêté de mise en demeure
Condamnation d’une personne physique à six mois d’emprisonnement avec sursis et 20 000 euros d’amende
(Cass. crim., 30 janvier 2018, n°17-81595)
- Exploitation d’installation classée (activité de fabrication de fromages) sans autorisation administrative et pollutions de cours d’eau
Condamnation d’une personne physique à 70 000 francs d’amende, dont 30 000 avec sursis, ainsi qu’à des réparations civiles
(Cass. crim., 18 juin 1997, n° 96-83344)
- Exploitation d’installations classées sans autorisation et poursuite de l’exploitation en dépit d’une décision préfectorale ordonnant la fermeture de l’installation
Condamnation d’une personne physique à six mois d’emprisonnement avec sursis et 15 000 euros d’amende, une mesure de publication, et des réparations civiles
(Cass. crim., 16 janvier 2007, n° 06-85487)
- Exploitation d’une installation classée (élevage porcin) sans autorisation et en infraction à une mesure d’interdiction
Condamnation d’une personne physique en récidive, à 4 mois d’emprisonnement et à 400 000 francs d’amende ainsi qu’à diverses mesures de publication et diffusion, outre l’interdiction d’utiliser les bâtiments non autorisés, et à allouer à l’association Eaux et Rivières de Bretagne, la somme de 25 000 francs à titre de dommages-intérêts
(Cass. crim., 17 juin 1998, n °97-84705)
- Infractions au code de l’urbanisme – Exploitation sans autorisation d’une installation de stockage de déchets inertes et réalisation irrégulière d’exhaussement du sol
Condamnation d’une personne physique en récidive, infraction au code de l’environnement et travail dissimulé, à huit mois d’emprisonnement avec sursis et 20 000 euros d’amende, et condamnation de sa société d’exploitation agricole, pour infractions au code de l’urbanisme et infraction au code de l’environnement, à 40 000 euros d’amende, à la remise en état des lieux, sous astreinte, et au paiement d’intérêts civils.
(Cass. crim. 19 décembre 2017, n° 16-85930)
- Par une décision du 3 février 2016, portant sur l’exploitation sans autorisation d’un entrepôt de stockage de produits phytosanitaires, le Conseil d’Etat rappelle que l’exploitant peut faire simultanément l’objet de mesures administratives et de poursuites pénales.
Ainsi, le préfet peut prendre les mesures prévues en cas d’exploitation sans titre d’une ICPE, indépendamment des poursuites pénales qui peuvent être exercées en raison des infractions pénales susceptibles de résulter des mêmes faits. La légalité des décisions préfectorales prises sur ce fondement n’est pas subordonnée à la condition que les faits sur lesquels elles sont fondées soient constitutifs de l’une des infractions pénales (CE, 3 février 2016, n° 380344).
[1] Sources : M. Prieur, Droit de l’environnement, Dalloz 6e édition, 2011 (chapitre 1 : Les sanctions pénales relevant du juge judiciaire) et Ministère de la Justice, Infostat Justice, novembre 2015, n°138
[2] Sources : Rapport annuel 2016 de l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales (ONDRP) ; Références Statistiques Justice Année 2015 du Ministère de la Justice ; Références Statistiques Justice Année 2016 du Ministère de la Justice
– 27 septembre 2018 –
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