La responsabilité civile

Outre les sanctions administratives (Article du 21.09.2018) et les sanctions pénales (Article du 27.09.2018), l’entreprise peut également voir sa responsabilité civile engagée.

Le contentieux civil en droit de l’environnement est en pleine construction et a connu ces quinze dernières années des avancées juridiques majeures telles que la reconnaissance du préjudice écologique ou encore l’action de groupe environnementale.

Bouclons ainsi avec ce troisième focus le dessin des contours de la responsabilité des entreprises en matière environnementale, en revenant sur les fondements de la responsabilité civile et quelques illustrations jurisprudentielles.

Que recouvre la responsabilité civile en matière environnementale ?

Le Préjudice écologique

L’article 4 de la loi « biodiversité » n°2016-1087 du 8 août 2016 inscrit le principe de réparation du préjudice écologique dans le code civil (aux articles 1246 à 1252). Ainsi, notamment :

  • toute personne responsable d’un préjudice écologique est tenue de le réparer. Est réparable, le préjudice écologique consistant en une atteinte non négligeable aux éléments ou aux fonctions des écosystèmes ou aux bénéfices collectifs tirés par l’homme de l’environnement ( articles 1246 et 1247 du code civil) ;
  • l’action en réparation du préjudice écologique est ouverte à toute personne ayant qualité et intérêt à agir (telle que l’État, l’Agence française pour la biodiversité, les collectivités territoriales et leurs groupements dont le territoire est concerné, ainsi que les établissements publics et les associations, agréées ou créées depuis au moins cinq ans qui ont pour objet la protection de l’environnement) ( article 1248) ;
  • la réparation du préjudice écologique s’effectue par priorité en nature. En cas d’impossibilité ou d’insuffisance des mesures de réparation, le juge condamne le responsable à verser des dommages et intérêts, affectés à la réparation de l’environnement, au demandeur ou, si celui-ci ne peut prendre les mesures utiles à cette fin, à l’État ( article 1249) ;
  • les dépenses exposées pour prévenir la réalisation imminente d’un dommage, pour éviter son aggravation ou pour en réduire les conséquences constituent un préjudice réparable ( article 1251).

La responsabilité civile atteinte à l’environnement

La directive 2004/35/CE établit un cadre de responsabilité environnementale fondé sur le principe du « pollueur payeur », en vue de prévenir et de réparer les dommages environnementaux et d’enrayer le déclin de la biodiversité.

Selon cette directive, l’exploitant supporte les coûts des actions de prévention et de réparation entreprises à un dommage.

La traduction en droit français de la directive 2004/35/CE a été réalisée via la loi LRE n° 2008-757 (Loi responsabilité environnementale) en vigueur depuis le 27 avril 2009. Un exploitant responsable d’un dommage concerné par la LRE doit réparer les dégâts occasionnés en nature, en menant sur le terrain, les opérations de réparation adéquates, à un coût raisonnable pour la société. Toute compensation financière est explicitement exclue.

Les articles L. 160-1 et suivants et R. 161-1 et suivants du code de l’environnement définissent :

  • les détériorations directes et indirectes qui constituent les dommages à l’environnement couverts,
  • les conditions dans lesquelles sont prévenus ou réparés, en application du principe pollueur-payeur et à un coût raisonnable pour la société, ces dommages causés à l’environnement par l’activité d’un exploitant.

Autres fondements

La responsabilité civile peut encore être engagée sur d’autres fondements donnant lieu à des dommages-intérêts.

Par exemple, les juridictions considèrent que le non-respect de la législation relative aux installations classées peut constituer une faute délictuelle (atteinte directe aux intérêts des tiers) ou encore un acte de concurrence déloyale.

Action de groupe environnementale

Applicable depuis le 20 novembre 2016, l’article L. 142-3-1 du code de l’environnement permet aux associations agréées d’exercer une action devant une juridiction civile ou administrative dans de nombreux domaines (protection de la nature et de l’environnement, du cadre de vie, de l’eau, de l’air, des sols, des sites et paysages, l’urbanisme, la lutte contre les pollutions et nuisances, la sûreté nucléaire et radioprotection, les installations classées, etc.)

L’objet de l’action de groupe en matière environnementale est d’obtenir :

  • la cessation du manquement,
  • la réparation des préjudices résultant du dommage causé à l’environnement,
  • ces deux fins.

Quelques illustrations jurisprudentielles du contentieux civil :

  • Concurrence déloyale du fait de l’exploitation sans autorisation d’une ICPE

Condamnation d’un société à verser à une autre société 50 000 € au titre de dommages et intérêts : en exploitant une installation de broyage et entreposage de véhicules hors d’usage sans autorisation préfectorale et en violation de la réglementation en vigueur, la société s’est rendue coupable d’une distorsion dans le jeu de la concurrence afférente au marché des activités de stockage de véhicules hors d’usage (la seconde société ayant obtenu les autorisations administratives nécessaires pour la même activité).

(Cass.civ., 21 janvier 2014, n°12-25443)

  • Réparation du préjudice écologique suite à la pollution (fuite d’hydrocarbures) de l’estuaire de la Loire en mars 2008

Condamnation de la société à l’origine de la pollution à verser à la LPO 80 000 € en réparation du préjudice écologique.

(Cour d’Appel de Rennes du 14 octobre 2016 – cf. article du journal Le Monde du 09/12/2016)

  • Incendie sur un site de stockage d’hydrocarbures ayant causé des blessés

Condamnation à réparer les dommages subis.

(Cass. 2e civ., 12 déc. 2002, n° 01-02853, n° 1216 FS – P + B)

  • Réparation du dommage subi par le propriétaire du terrain du fait de l’existence d’une décharge sauvage (installation exploitée sans autorisation)

Condamnation à réparer le dommage subi.

(Cass. crim., 23 mars 1999, n° 98-82085)

  • Non-respect des prescriptions de fonctionnement

Remboursement des frais de dépollution engagés par la commune.

(TGI Nanterre, 11 mai 2009, n° 06-13731, confirmé par CA Versailles, 3e ch., 25 nov. 2010, n° 09/04888)

  • Déversement de fioul dans un réseau et une station d’épuration suite à une fuite en provenance d’une cuve

Condamnation à réparer le dommage subi, notamment dû à l’absence de cuvette de rétention de 100 % de la capacité de la cuve.

(CA Aix-en-Provence, 4e ch., sect. A, 18 déc. 2014, n° 13/24463)

  • Indemnisation du préjudice écologique et moral d’une commune : mise en danger délibérée d’autrui pour le dysfonctionnement d’un incinérateur

Exploitation pendant 28 ans par une communauté d’agglomération d’un incinérateur ayant rejeté des fumées chargées en dioxine dans des quantités allant jusqu’à 2.200 fois la norme.

Condamnation de la communauté d’agglomération Melun Val-de-Seine à :

– une amende de 250.000 €, dont 50.000 € avec sursis, pour mise en danger délibérée de la vie d’autrui et poursuite d’exploitation d’une installation classée non conforme.

3,7 millions € de dommages et intérêts aux riverains exposés à cette pollution à l’origine de nombreux cancers et de plusieurs décès.

15 000 € de dommages et intérêts à la commune de Maincy au titre du préjudice écologique subi du fait de cette pollution.

(Jugement du Tribunal correctionnel de Paris du mardi 6 mars 2018)

– 05 octobre 2018 –

Veillez les évolutions de la réglementation environnementale avec notre outil de veille ENVIRONNEMENT REGLEMENTEO®, puis évaluez votre conformité réglementaire avec notre outil CONFORMITEO®.

Pour en savoir plus : Nous contacter