Zoom sur les principales modifications apportées au suivi individuel de l’état de santé du travailleur

La loi « Travail » du 8 août 2016 a initié la réforme du suivi individuel de l’état de santé du travailleur. Le décret n° 2016-1908 du 27 décembre 2016, dit décret « Médecine », précise les modalités de mise en œuvre de cette loi à ce sujet.

Désormais :

  • les travailleurs qui ne sont pas affectés à un « poste à risques » sont soumis à une visite d’information et de prévention (VIP) ;
  • certains travailleurs sont soumis à un suivi individuel adapté de leur état de santé (travailleurs de nuit, femmes enceintes,…) ;
  • les travailleurs affectés à un « poste à risques » sont soumis à un suivi individuel renforcé (SIR) de leur état de santé (réforme de l’ancienne « surveillance médicale renforcée » en ce qui concerne les modalités de mise en œuvre, les personnes visées,…) ;
  • les modalités d’application du suivi individuel des travailleurs titulaires de CDD et des travailleurs temporaires sont précisées.

Par ailleurs, le décret modifie la procédure de déclaration d’inaptitude des travailleurs.Les principales modifications de la réglementation relative au suivi individuel de l’état de santé sont présentées ci-dessous. Les dispositions n’ayant pas fait l’objet de modifications majeures ne sont pas présentées.

Au 1er janvier 2017, la réglementation s’applique aux travailleurs à compter de la première visite ou du premier examen médical effectué au titre de leur suivi individuel.

Visite d’information et de prévention (VIP)

Quels sont les travailleurs concernés ?

Sont concernés les travailleurs qui ne sont pas affectés à des postes présentant des risques particuliers pour leur santé ou leur sécurité ou pour celles de leurs collègues ou des tiers évoluant dans l’environnement immédiat de travail (voir point 3.1. ci-après).

(cf. articles L. 4624-2 I, R. 4624-10 et R. 4624-24 du code du travail)

Qui est chargé de la visite ?

La visite est effectuée par un professionnel de la santé du service de santé au travail (médecin du travail ou collaborateur médecin, interne en médecine du travail ou infirmier du service de santé au travail) (cf. articles L. 4624-1 I et R. 4624-10 du code du travail).

Quelles sont les modalités de mise en œuvre ?

La visite d’information et de prévention dont bénéficie le travailleur est individuelle. Aussi, son objet est défini à l’article R. 4624-11 du code du travail (cf. article R. 4624-11 du code du travail).

Quels sont les documents délivrés ?

Le professionnel de santé délivre une attestation de suivi au travailleur et à l’employeur à l’issue de toute visite d’information et de prévention (cf. article R. 4624-14 du code du travail).

VIP d’embauche

Cas particuliers dans lesquels la VIP d’embauche n’est pas requise

La réglementation prévoit des conditions dans lesquelles la VIP n’est pas requise (cf. article R. 4624-15 du code du travail). Elle prévoit aussi de telles conditions pour les travailleurs temporaires (cf. article R. 4625-11 du code du travail).

Date de la visite d’embauche

      • Principe : après la prise de poste

Pour rappel, la visite d’information et de prévention est effectuée après l’embauche (cf. article L. 4624-1 du code du travail).

Le décret précise que la visite est réalisée dans un délai qui n’excède pas trois mois à compter de la prise effective du poste de travail (cf. article R. 4624-10 du code du travail).

Toutefois, l’apprenti bénéficie d’une visite d’information et de prévention au plus tard dans les deux mois qui suivent son embauche (cf. article R. 6222-40-1 du code du travail).

A défaut d’un suivi de l’état de santé équivalent dans leur Etat d’origine pour les travailleurs détachés temporairement par une entreprise non établie en France, bénéficiant d’une visite d’information et de prévention, celle-ci est réalisée dans un délai qui n’excède pas trois mois après l’arrivée dans l’entreprise.

(cf. article R. 1262-13 du code du travail)

      • Exceptions : avant affectation sur le poste

Les travailleurs suivants bénéficient d’une VIP avant affectation sur le poste :

      • les travailleurs de nuit et les travailleurs âgés de moins de 18 ans (cf. article R. 4624-18 du code du travail) ;
      • les travailleurs exposés aux agents biologiques du groupe 2 (cf. article R. 4426-7 du code du travail) ;
      • les travailleurs exposés à des champs électromagnétiques affectés à des postes pour lesquels les valeurs limites d’exposition fixées à l’article R. 4453-3 du code du travail sont dépassées (cf. article R. 4453-10 du code du travail).

Dossier médical en santé au travail

Lors de la VIP initiale, un dossier médical en santé au travail est ouvert, sous l’autorité du médecin du travail (cf. article R. 4624-12 du code du travail)

1.6. Visites périodiques (renouvellement de la VIP)

Sauf cas particuliers, le travailleur bénéficie d’un renouvellement de la VIP initiale selon une périodicité fixée par le médecin du travail et qui n’excède pas cinq ans (cf. articles R. 4624-16 et R. 4624-17 du code du travail)

Adaptation du suivi individuel de l’état de santé des travailleurs

Le décret prévoit un suivi individuel adapté pour les travailleurs suivants :

      • tout travailleur dont l’état de santé, l’âge, les conditions de travail ou les risques professionnels auxquels il est exposé le nécessitent ;
      • les travailleurs handicapés ;
      • les travailleurs qui déclarent être titulaires d’une pension d’invalidité ;
      • les travailleurs de nuit ; et
      • toute femme enceinte, venant d’accoucher ou allaitante.

(cf. articles R. 4624-17 à R. 4624-21 du code du travail)

Suivi individuel renforcé (SIR) de l’état de santé

3.1. Qui sont les travailleurs concernés ?

NB. Les grandes nouveautés figurent en gras. Les autres travailleurs étaient déjà soumis à la « surveillance médicale renforcée ».

Par ailleurs, les travailleurs qui étaient soumis à SMR mais ne sont pas soumis au nouveau SIR sont :

  • les travailleurs handicapés ;
  • les femmes enceintes ;
  • les travailleurs exposés à des vibrations mécaniques (avec seuils) ;
  • les travailleurs exposés au bruit (avec seuils).

Sont concernés par le SIR les travailleurs qui sont affectés à des postes présentant des risques particuliers pour leur santé ou leur sécurité ou pour celles de leurs collègues ou des tiers évoluant dans l’environnement immédiat de travail. 

Les postes présentant des risques particuliers sont ceux exposant les travailleurs :

      • à l’amiante ;
      • au plomb dans les conditions prévues à l’article R. 4412-160, c’est-à-dire :
        • soit si l’exposition à une concentration de plomb dans l’air est supérieure à 0,05 mg/m³, calculée comme une moyenne pondérée en fonction du temps sur une base de huit heures ;
        • soit si une plombémie supérieure à 200 µg/l de sang pour les hommes ou 100 µg/l de sang pour les femmes est mesurée chez un travailleur ;
      • aux agents cancérogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction mentionnés à l’article R. 4412-60, c’est-à-dire les substances ou mélanges suivants :
      • toute substance ou mélange qui répond aux critères de classification dans la catégorie 1A ou 1B des substances ou mélanges cancérogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction définis à l’annexe I du règlement (CE) n° 1272/2008 ;
      • toute substance, tout mélange ou tout procédé défini comme tel par arrêté conjoint des ministres chargés du travail et de l’agriculture ;
      • aux agents biologiques des groupes 3 et 4 mentionnés à l’article R. 4421-3 :
      • aux rayonnements ionisants ;
      • au risque hyperbare ;
      • au risque de chute de hauteur lors des opérations de montage et de démontage d’échafaudages.

Présente également des risques particuliers tout poste pour lequel l’affectation sur celui-ci est conditionnée à un examen d’aptitude spécifique prévu par le code du travail. En particulier, sont concernés :

        • les jeunes travailleurs de moins de 18 ans affectés à des travaux interdits susceptibles de dérogation (cf. article R. 4153-40 du code du travail) ;
        • les titulaires d’une autorisation de conduite pour l’utilisation de certains équipements de travail mobiles ou servant au levage de charges (Grues à tour, Grues mobiles, Grues auxiliaires de chargement de véhicules, Chariots automoteurs de manutention à conducteur porté, Plates-formes élévatrices mobiles de personnes, Engins de chantier télécommandés ou à conducteur porté) (cf. article R. 4323-56 du code du travail et article 2 de l’arrêté du 2 décembre 1998) ;
        • les travailleurs habilités à effectuer des opérations sur les installations électriques ou dans leur voisinage (cf. article R. 4544-10 du code du travail).

S’il le juge nécessaire, l’employeur complète la liste des postes entrant dans les catégories mentionnées ci-dessus par des postes présentant des risques particuliers pour la santé ou la sécurité du travailleur ou pour celles de ses collègues ou des tiers évoluant dans l’environnement immédiat de travail.

(cf. articles L. 4624-2 I et R. 4624-23 I, II et III du code du travail)

Examen médical d’aptitude (EMA)

Le SIR comprend un examen médical d’aptitude, qui se substitue à la visite d’information et de prévention (cf. article R. 4624-24 du code du travail).

Qui est chargé de l’EMA ?

L’EMA est effectué par le médecin du travail, sauf lorsque des dispositions spécifiques le confient à un autre médecin (cf. articles L. 4624-2 point II et R. 4624-24 du code du travail). L’objet de l’EMA est également précisé à l’article R.4624-24.

Quel sont les documents délivrés ?

Le médecin du travail délivre un avis d’aptitude ou d’inaptitude. Cet avis d’aptitude ou d’inaptitude est transmis au travailleur et à l’employeur et versé au dossier médical en santé au travail de l’intéressé (cf. article R. 4624-25 du code du travail).

Examen initial d’embauche

      • Cas particuliers dans lesquels l’EMA d’embauche n’est pas requis

Le décret prévoit des conditions dans lesquelles l’EMA d’embauche n’est pas requis (cf. article R. 4624-27 du code du travail). Il prévoit aussi de telles conditions pour les travailleurs temporaires (cf. article R. 4625-11 du code du travail).

      • Date de l’examen initial d’embauche

Pour rappel, l’EMA est réalisé avant l’embauche (cf. article L. 4624-2 du code du travail). Le décret précise que l’EMA est effectué préalablement à l’affectation sur le poste (cf. article R. 4624-24 du code du travail).

Visites périodiques (renouvellement de l’EMA)

Le travailleur bénéficie, à l’issue de l’examen médical d’embauche, d’un renouvellement de cette visite, effectuée par le médecin du travail selon une périodicité qu’il détermine et qui ne peut être supérieure à quatre ans.

Une visite intermédiaire est effectuée par un professionnel de santé au plus tard deux ans après la visite avec le médecin du travail.

(cf. article R. 4624-28 du code du travail)

Particularité : Les travailleurs exposés à des rayonnements ionisants, classés en catégorie A, bénéficient d’un suivi de leur état de santé par le médecin du travail au moins une fois par an (cf. article R. 4451-84 du code du travail).

Modalités d’application du suivi individuel des travailleurs titulaires de CDD et des travailleurs temporaires

La réglementation s’applique aux travailleurs titulaires de contrats à durée déterminée (CDD). Ces travailleurs bénéficient d’un suivi individuel de leur état de santé d’une périodicité équivalente à celui des salariés en contrat à durée indéterminée, notamment des dispositions prévues aux articles R. 4624-15 et R. 4624-27 (cf. article R. 4625-1 du code du travail).

La réglementation est applicable aux travailleurs temporaires, sous réserve des modalités particulières prévues par le code du travail (cf. article R. 4625-2 du code du travail). Les articles R. 4625-8 à R. 4624-14 fixent ces modalités particulières.

Modification de la procédure de déclaration d’inaptitude des travailleurs

Pour rappel, le médecin du travail prononce l’inaptitude du travailleur à son poste de travail s’il constate qu’aucune mesure d’aménagement, d’adaptation ou de transformation du poste de travail occupé n’est possible et que l’état de santé du travailleur justifie un changement de poste (cf. article L. 4624-4 du code du travail).

Désormais, le médecin du travail ne peut déclarer un salarié inapte à son poste de travail qu’après avoir réalisé les 4 actions suivantes :

      • avoir réalisé au moins un examen médical du salarié, accompagné, le cas échéant, des examens complémentaires permettant un échange sur les mesures d’aménagement, d’adaptation ou de mutation de poste ou la nécessité de proposer un changement de poste ;
      • avoir réalisé ou fait réaliser une étude du poste et des conditions de travail dans l’établissement ;
      • avoir indiqué la date à laquelle la fiche d’entreprise a été actualisée ;
      • avoir procédé à un échange, par tout moyen, avec l’employeur.

Aussi, dorénavant, un seul examen constatant l’inaptitude suffit en principe. L’exigence de 2 visites de reprise constatant l’inaptitude est devenue l’exception (c’était le principe sous le régime antérieur).

Ce n’est que si le médecin du travail l’estime nécessaire pour rassembler les éléments permettant de motiver sa décision, qu’un second examen de reprise doit avoir lieu. Si à l’issue de la première visite de reprise, le médecin du travail estime cette seconde visite nécessaire, celle-ci doit avoir lieu dans un délai qui n’excède pas 15 jours après le premier examen.

(cf. article R. 4642-42 du code du travail)

Modification de la procédure de contestation de l’avis d’inaptitude

Désormais, si le salarié ou l’employeur conteste les éléments de nature médicale justifiant les avis, propositions, conclusions écrites ou indications émis par le médecin du travail après le 1er janvier 2017, il doit saisir la formation de référé du conseil de prud’hommes d’une demande de désignation d’un médecin-expert inscrit sur la liste des experts près la cour d’appel (cf. article L. 4624-7, article R. 4624-45 du code du travail et article 20 points II à IV du décret n° 2016-1908 du 27 décembre 2016 relatif à la modernisation de la médecine du travail).

Avant le 1er janvier 2017, la procédure de contestation des avis du médecin du travail relevait de la compétence de l’inspecteur du travail.

– 27 juin 2017 –


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